
Résumé de l’étude de l’INRA : http://www.inra.fr/Chercheurs-etudiants/Agroecologie/Tous-les-magazines/Ferme-du-Bec-Hellouin-la-beaute-rend-productif
En l’an 2000 je valide le diplôme du BPREA (BP de Responsable d’Exploitation Agricole) avec la conclusion que le modèle économique agricole classique ne m’intéresse pas et que mon objectif dorénavant est d’évaluer les besoins d’une famille pour s’autosuffire considérant 1) que le rapport au temps n’en sera que meilleur (temps libre, sentiment d’alignement avec mes valeurs, plaisir et qualité de vie) et 2) que l’impact écologique passera de la destruction industrielle des écosystèmes à leur restauration. J’ai déjà passé ma première saison comme animateur ferme au sein de l’ODEL Var, antenne jeunesse du Département du Var.
Cette même année je lance une activité « potager » et cherche à produire de la manière la plus naturelle possible. Je ne connais ni les travaux de Fukuoka, ni ceux de Mollison. En revanche je dévore Soltner. Ma vision passe de l’écologie « économie » à l’écologie « écosystème ». Je refuse de manger toute chair issue des circuits industriels, puis tout ce qui est industriel (exception faite pour les légumes et les fruits sans quoi je dois me laisser mourir de faim ne produisant pas encore suffisamment – je suis à 1000m d’altitude et en dehors de patates… y a pas grand chose et certainement pas de tomates). Pour l’anecdote imaginez il y a 15 ans ne pas manger de viande à la cantine du travail mais en manger chez soi, ne pas boire d’alcool (exception faite des gnôles produites sous le bras par quelques rares vieux du coin), ne pas boire de jus de fruits (emballages et qualité médiocre obligent), etc. Le rapport aux autres vous pousse très vite à prévoir votre jogging en montagne pile à l’heure du repas du midi avec rattrapage en fruits tout l’après-midi.
Bref, me voilà à devoir répondre à des interviews, à former des animateurs, à sensibiliser des enfants, avec des choses à dire : une philosophie d’approche et quelques notions agricoles (ça aide toujours de sortir UGB/ha pour calmer un journaliste qui pose soit des questions cons soit justement trop pertinentes), mais la sensation désagréable qu’il me manque des pans entiers de connaissance. Passionné, je me suis déjà constitué un petit cheptel de chèvres, moutons, veaux, ânes… : je veux pouvoir être 100% autonome en toute situation et ne plus passer par aucun magasin (les friperies de campagne ne sont pas encore légions et la peau des animaux mangés me sert à fabriquer une veste, une moufle, un chausson…). S’ajoute le côté Arche de Noé… juste s’occuper des « bêtes », passer son temps dehors, leur faire des parcs et surtout les libérer un maximum de fois voire summum, les accompagner à travers les pâtures d’alpages. Le village se prend un peu pour ce nouvel arrivant et le maire me propose de défricher tout un versant de montagne pour que je m’installe avec un « vrai » élevage. Je le remercie, touché, mais refuse pour 2 raisons : 1) j’ai appris à travailler pas à m’endetter, or qui s’installe en agriculture (et d’autant plus sans terres) s’endette 2) je ne suis pas certain que défricher soit la meilleure option quant à la dynamique des écosystèmes. Ce deuxième argument va définitivement me pousser à reprendre les études.
En 2003, me voilà suivre par correspondance les cours du BTS A GPN (Gestion et Protection de la Nature). Je n’ai aucune prétention à devenir écologue, je veux juste savoir si mon mode de vie est adapté et à défaut, je veux pouvoir l’adapter. A partir de cette heure, la science de l’écologie est devenue pour moi la plus importante des disciplines, plus encore que les mathématiques, le français et l’histoire. Ca va de soit, si l’on sait compter et lire on apprend que plus facilement l’écologie. Toujours est-il que depuis, je reste plus que convaincu qu’il serait fort utile pour ne pas dire nécessaire, que tout citoyen du monde doive connaître les bases fondamentales du fonctionnement de la biosphère et plus localement des écosystèmes qui l’entourent. C’est d’ailleurs ce qui m’a souvent porté à débat avec des amis se prétendant trop vite écologistes : il n’est pas rare dans ces massifs tourmentés et pour bon nombre peu accessibles que les chasseurs connaissent mieux les dynamiques du vivant que pas mal de citadins non avertis. Quitte à casser le mythe du sketch des Inconnus, il y a véritablement une définition du bon et du mauvais chasseur. Quand je gardais les animaux au-dessus du village, le bon chasseur (souvent les gars du coin), venaient me trouver et me disaient « Cette année les sangliers devraient se trouver là et là pour telle et telle raison et parce que l’hiver a été ainsi ». C’était un régal de les écouter même si des fois nous débattions sur certaines interprétations et issues. Et contrairement aux mythes, une fois convenu que vous en connaissiez aussi un rayon et surtout que vous étiez réellement quelqu’un qui aime l’extérieur et pas que dans les livres – et qui les respecte quitte à critiquer certaines pratiques voire la finalité de la chasse – et bien ils n’étaient pas à renoncer au débat, au contraire. Il nourrit bien des complicités le débat. Car il montre combien nous aimons les uns les autres les territoires fascinants que nous habitons. Le mauvais chasseur lui il vient te trouver quand tu parques tes ânes non pas pour te parler de ses observations. Il vient pour avoir des informations. Souvent il vit « en bas » (entendez en ville dans la vallée). Il vient pour te demander où sont les cochons « car l’année dernière on en a fait tant ! ». Et que « tu comprends vu le prix du timbre »… et que « je paye mes impôts ici… ».
Oui l’écologie pour ma vie entière, c’est la révélation, au-delà des pré-requis et dans la vision d’écosystème et pas de clans. Certains ont communiqué avec Dieu à l’intérieur d’un temple, d’une église, d’une synagogue ou d’une mosquée. Je pense avec moins de prétention avoir simplement vu la nature autour de ces édifices. A partir de là, je me régale et réoriente la manière dont je produis des légumes et des fruits. J’intègre le mulch et entends parler du BRF. Je deviens critique à l’égard de l’élevage même extensif considérant que la chasse (la bonne, hein !) laisse une chance à l’animal contrairement à l’élevage et surtout permet une vision de la place des grands mammifères dans les écosystèmes à l’heure du capitalisme. Oui, car s’il n’y a pas d’éleveurs extensifs aujourd’hui, il faut oublier les jolies vaches dans les prés, les moutons, les chèvres et autres peluches vivantes. S’il n’y a plus de chasse, il y aura des céréales, des gîtes, une carrière, voire des résidences et au mieux un enrésinement des écosystèmes. En soit, ce dernier scénario peut se défendre, mais c’est sans compter que les prairies, les jeunes forêts ou les forêts primaires sont des pièges à carbone. Pas les autres strates. Du moins, elles piègent beaucoup moins de quantité. Or, les temps nécessaire pour passer d’une de ces strates à l’autre est conséquent. D’où l’intérêt d’en conserver. Il y a aussi l’avantage de maintenir des mosaïques de milieux (une diversité de milieux) pour favoriser la biodiversité notamment grâce aux zones écotones. A cela s’ajoute d’un regard anthropique qu’un enrésinement limite les espaces au sein desquels l’humain peut évoluer et extraire des ressources. D’aucun diront rapidement « tant mieux ! ». C’est oublier qu’il y aura alors en phénomène opposé une concentration de nos populations et le besoin d’extraire en masse les ressources naturelles à l’extérieur des villes encore plus densifiées. Souvenez-vous que les bidonvilles naissent de l’exode rural souvent généré par des expropriations ou des catastrophes dites naturelles mais assez souvent dues aux modifications considérables subies par les écosystèmes. Pour nous donner une idée des proportions, une petite étude là-dessus serait pas mal… Alors, oui aujourd’hui on vante louange à l’aquaponie et autres systèmes hors sols. Je n’entrerai pas dans les discussions à propos du goût et de la santé (on est ce qu’on mange, or manger hors-sol c’est quand même sauter sans vraiment savoir s’il y a un parachute…). Je m’en tiendrai à dire que si l’aquaponie apporte des éléments intéressants de relocalisation, elle nécessite du substrat qu’il faut bien extraire de quelque part, forcément des sols et sous-sols. S’ajoutent les contenants des plantes, l’équipement d’irrigation, avec l’énergie d’entretien et de remise en état annuel, le transport des aliments, fusse-t-il de proximité – pas certain qu’au milieu d’une ville le transport même de proximité soit aussi aisé qu’en campagne du champ à la ferme. Bref, bonjour le rendement énergie. Là aussi une étude sur ces questions méritera attention. Et pour revenir à nos moutons, ou plutôt à nos lièvres, faute de temps je ne passerai pas mon permis de chasse et resterai éleveur non vendeur. J’y tiens : quatre ans d’élevage et aucune bête vendue. Et ce temps préservé, je vais le passer à militer, notamment contre le projet de ligne THT dans le Verdon.
Durant cette année mes travaux sont une nouvelle fois reconnus et l’Odel choisira de faire visiter « ma » ferme au 1re ministre de la France lors de sa venue dans le département. Malgré nos différences politiques avec la majorité, nous avons toujours réussi à bien travailler ensemble car suffisamment intelligents pour nous mettre au service des enfants. Tout le monde n’en a pas tiré le même confort, les mêmes motivations, ni les mêmes rapports, aussi je n’irais pas jusqu’à faire de prosélytisme ici malgré tout le respect professionnel que cette aventure me pousse à considérer. Considération qui une fois passé de l’autre côté de l’échiquier politique s’est transformée en désillusion totale ! Conclusion d’aparté : on peut être d’avis politiques différents ou similaires, ça ne fait ni un projet, ni un confort d’action, ni des impacts positifs. Tout est affaire d’équipe avant même que ce soit affaire de programme.
Cette visite ministérielle aboutira sur la création de 5 emplois pour le projet pédagogique que je mène et un investissement de plus de 150 mille euros. La ferme est passée d’une activité pour les tout petits qu’on ne savait occuper, à une activité phare au sein de ce centre de 225ha accueillant jusqu’à 2000 enfants par saison. Oui, c’est idiot, mais ces flonflons et autres flagorneries auront validé une certaine réussite et m’auront permis d’en atteindre une autre. Bizarreries de la fourmilière humaine…
Je quitterai l’Odel en 2005 pour la LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux) qui me propose une double mission dans le Verdon. La première sur le comptage des oiseaux de Provence et la seconde… sur la réintroduction des Vautours fauves, puis moines. Je ne connais absolument rien à l’ornithologie. En revanche, je connais parfaitement tous les acteurs du territoire appréciant autant le pastoralisme que les loups et considérant que le combat n’est pas entre acteurs de la ruralité, mais surtout pour sortir des circuits industriels : la nature est un atout pour tous, à chacun ses religions. Bref, deux missions taillées pour mon bonheur : l’une qui veut impliquer un maximum de participants pour aller compter des oiseaux et l’autre qui veut endosser le rôle de médiateur de territoire en plus du suivi des rapaces. Le pied !
Maintenant on se projette en 2011, je suis conseiller en stratégie auprès d’une mairesse et d’un adjoint qui ont compris les enjeux du développement durable adaptés à l’échelle d’une commune rurale et enclavée. Nous avons notamment développé un événementiel sur le thème de la forêt qui peut se targuer d’avoir réussi à mobiliser tous les acteurs de cet écosystème : exploitation en bois de chauffe, d’oeuvre, construction, éleveurs, chasseurs, pêcheurs, randonneurs, écologistes, artistes, institutionnels… J’avoue, le coup de la bière bio à découvrir à la buvette a bien aidé !
Cette année là, nous planchons sur le premier transfert en France du modèle de serres solaires passives développé par le GERES au Ladakh et en Afghanistan. En effet, située à plus de 1000m d’altitude, notre agriculture locale, bien que dynamique vu le contexte, reste trop peu présente pour fournir la demande en circuits courts et bio. Cela est du au fait que hormis des patates, les froids précoces et tardifs ne permettent pas vraiment d’autres cultures. Si le GERES a réussi à implanter des serres efficientes au Ladakh, nous avons alors toutes nos chances ! D’autant que cette possibilité permettrait des installations avec moins de terres et donc plus faciles. Il est communément acquis que le principe de construction sera de produire la serre uniquement avec des matériaux exploitables sur place pour la cohérence écologique et pour favoriser l’artisanat local. Ce chouette projet va mobiliser bon nombre d’acteurs et nous allons taper à la porte de l’INRA. Les Mines Paris Tech nous suivent, avec le GERES, le GRAB, CRA-TERRE, la Région, le Département, le Parc Naturel Régional du Verdon, le Pays A3V et la Chambre d’Agriculture du Var.
Nous nous rendons dans les bureaux de l’INRA à Nice avec l’ingénieur en charge du suivi technique et de l’animation du programme LEADER (financements européens dont la vocation est de dynamiser les projets de liaisons économiques sur des territoires ruraux dits défavorisés). L’Europe est notre principal bailleur. Le rendez-vous commence par une question de l’agente de l’INRA qui va me laisser coi : « Quel est votre diplôme ? » nous demande-t-elle. « Pardon ? » Je lui fait répéter la question tant je suis surpris. Elle insiste. Je lui demande alors la raison de son interrogation. « Nous tenons à savoir à qui nous avons à faire ». Sidérant. Agacé et dédaigneux je réponds que j’ai validé le BPREA et le GPN et qu’actuellement je suis étudiant MBA chez Euromed Management. Mon compagnon mentionne son diplôme d’ingénieur. Je rappelle que nous sommes suivis par un ensemble d’experts et me permets de souligner qu’un projet ne se fait pas par des diplômes mais plutôt par la capacité à mobiliser les compétences et à faire que les ressources s’entendent et donc sachent s’écouter et se comprendre. Je ne sais pas si elle est convaincue par ma verve. En tout cas elle l’est pas nos diplômes… Certaines choses tiennent à si peu.
La glace a fondu et l’INRA nous suit. Hélas, le deuxième volet de l’expérimentation ne pourra avoir lieu : nous n’entrons pas dans les cases des financements européens attachés à notre zone. C’est aussi ça avancer : casser des obstacles puis se retrouver coincé par d’autres. Peu importe, depuis le GERES a continué et fini par financer une expérimentation des serres solaires passives en France.
Après ces quelques souvenirs et considérations tu comprendras chère lectrice, cher lecteur, que la sortie de l’étude de l’INRA à propos de la ferme du Bec Hellouin pour tenter un premier diagnostic économique quant à la productivité d’un modèle en permaculture, non seulement me fait bien plaisir mais qui plus est avec une conclusion favorable me ravit. Et si je reste en partie dubitatif sur certaines conclusions de l’étude, après quelques seize années de pressentis, d’expériences et d’avancées sur ce qui est dorénavant communément nommé permaculture, c’est une victoire et pas des moindres pour toutes les fois où j’ai eu à me battre à bouts de bras, à me retrouver seul à contredire la majorité, à tenter (peine perdue) de convaincre ma grand-mère ! Cela fait des décennies que des gens cherchent à interpeller. Aussi, célébrons cette nouvelle étape, sans pour autant nous en suffire. Oui, n’oublions pas que de Halte à la Croissance à Brundtland pour ne citer qu’eux, des rapports et de l’encre ont déjà bien coulé sous les ponts. Et si la COP21 avait pour ambition d’inquiéter les magnats du pétrole et de les inciter à miser sur les renouvelables, je ne sais pas vous, mais je n’ai pas l’impression qu’on se presse moins à la pompe. A l’heure où j’écris ces lignes, au moins depuis décembre 2015 (mois de la COP21) le marché français est à la hausse, particulièrement en mai 2016. L’été a vu sa consommation se tasser mais pas au point de compenser la hausse exceptionnelle du printemps. Affaire à suivre. (Source : http://www.ufip.fr/actualites/consommation-francaise-de-produits-petroliers-en-juillet-2016#news_6740 ).
Toujours est-il que oui, la permaculture (ou culture de la permanence, soit la recherche de l’autosuffisance pour TOUT, à partir d’un territoire donné) marque son avènement : avant nous étions alarmistes, maintenant nous avons une solution. Quelque part on retrouve cette évidence sur les grands écrans passant du Syndrome du Titanic, d’Une vérité qui dérange, de We Feed the World à Solutions locales pour un désordre global, En quête de Sens et plus récemment Demain. Non, les grands écrans ne sont pas la rigueur scientifique. Mais quand les tendances socioculturelles et artistiques se cumulent, on peut en déduire une évolution marquée de l’expression et donc une évolution de la vision collective. Bref, l’émergence d’une probable nouvelle civilisation.
Puisse aussi ce témoignage montrer combien aujourd’hui tout est plus facile. Cela ne signifie pas que tout est facile, mais bien que les sentiers commencent à apparaitre avec de nombreux possibles : dorénavant tout le monde trouve des infos sur la permaculture, des tutos, des Mooc, des stages, les Colibris ont lancé les Oasis, il y a la Foncière Terre de Lien, la NEF, les AMAP, le Crowdfunding, quantité de médias web et papiers sur les alternatives, l’économie verte s’est développée (oui aussi pour le pire.. mais ça laisse une place au meilleur), le réseau des Biocoop existe (et il y a plein d’autres circuits) et d’autres belles nouveautés arrivent comme les Fermes d’Avenir. Bon, évidemment, il y a aussi Etika Mondo ! Tout ça, « à mon époque » c’était maigre… et encore, heureusement, des réseaux comme Nature et Progrès et la Confédération paysanne existaient ! Enfin… allez, on avait la chance d’avoir le mouvement altermondialiste particulièrement actif avec 300 000 personnes mobilisées sur le Larzac en 2003 contre l’OMC. Aujourd’hui nous avons les ZAD. Dommage que les manif ne mobilisent que 40 000 personnes max. L’effet violence d’Etat ? Car souvenons-nous que le Larzac a été une ZAD… contre l’armée. Rien que ça ! A l’époque pourtant il existait déjà les Black-blocs : Gênes en 2001 n’a pas été une partie d’enfants de choeur. Bon c’est vrai, le Larzac des années 70 à 2003 a su faire sans violence. L’oppression n’était pas la même. Et puis, il n’existait pas internet… Peut-être ressentions-nous plus le besoin de nous retrouver là où aujourd’hui en un clic on se croise au plus grand bar du monde, le virtuel Facebook ? Certainement des deux. Toujours est-il qu’à l’été 2003 j’étais à la ferme à courir après les chèvres et à accueillir les petits mômes pour leur montrer un autre possible. J’ai donc raté ce grand rendez-vous militant. Et oui les plus grands souvenirs se construisent aussi avec quelques frustrations passagères.
L’esprit permaculture m’a animé tout au long de cette évolution. Et pour apporter ma pierre à l’édifice, à mes yeux la permaculture c’est la recherche de sa niche écologique au sein d’un écosystème partagé. La niche écologique la plus durable possible et favorisant au maximum la biodiversité et la biomasse naturelles. On peut donc dire que la permaculture est l’application des principes de l’écologie à l’échelle de l’écologie humaine dans son rapport avec le vivant. Initialement la permaculture a été pensée pour l’alimentation. Selon l’approche des 7 champs de l’éthique, elle a été pensée pour la Santé. Et à deux niveaux : 1) l’alimentation est une fonction directement corrélée à l’enjeu de la Santé (si on ne se nourrit pas ou pas correctement on handicape son capital santé), 2) la santé de l’écosystème au sein duquel on évolue fait la santé des flux de matière et d’énergie qui nous traversent. Quand je parle de ces flux, je ne me réfère pas à une science ésotérique mais bien aux cycles de matière et d’énergie identifiés par les écologues. La permaculture a pour but d’apporter l’Ecologie comme solution à la question de la Santé : l’humain (ré)intègre les dits cycles de manière favorable. C’est-à-dire que tout en subvenant à ses besoins, dorénavant il cherche à produire un excédent de matière organique, plutôt qu’un déficit. Il cherche à enrichir son écosystème selon les règles propres à la nature plutôt qu’à simplement consommer et à donc appauvrir les ressources naturelles. Bon attention, nous n’en sommes encore qu’à l’intention et les résultats économiques de l’INRA et plus concrètement de la Ferme du Bec Hellouin ne font pas des techniques développées jusqu’à présent un profond levier d’excédent. Bien que nous nous en rapprochons là où jusqu’à présent l’agriculture industrielle nous en éloignait. Ok, oui l’agriculture industrielle produit énormément à l’hectare. Mais pour une durée plus courte en années et avec des effets désastreux (pollution des nappes phréatiques, tassement des sols, diminution de la main d’oeuvre, système de quotas à cause de la surproduction qui sans ce frein peut provoquer le risque d’un effondrement encore plus violent des marchés, sans pour autant répondre à la faim dans le monde, subventions considérables pour maintenir la profession et l’entretien des terres, aberrations de certaines conditions d’élevage et d’abattage…). Cette étude de l’INRA montre que sur 1000m² la ferme du Bec Hellouin génère un volume de production et de valeur ajoutée rentable avec des méthodes bien plus adaptés aux fonctionnements du vivant.
Revenons à nos champs de l’éthique : la permaculture apporte donc l’Ecologie en réponse aux besoins de Santé de l’humain. A vrai dire elle se veut aussi apporter une abondance Sociale avec le principe de partage (un territoire étant par définition partagé). Maintenant, sur le volet Social les expériences en permaculture sont encore très peu nombreuses et pour tout dire insuffisantes pour conclure un constat évident. Quoi qu’il en soit, la logique est très intéressante : il « suffit » maintenant d’appliquer ce principe de permaculture – de quête de permanence – à tout contexte donné (à tout écosystème) en considérant chacun des cinq autres champs de l’éthique pour aboutir à l’âge d’or : à une gestion optimale des enjeux éthiques qui traversent notre contemporain. En d’autres termes, après l’Ecologie et la Santé, restent la permaculture du Social, de l’Economie, de la Démocratie, de l’Education et de la Culture. Amusant d’ailleurs ce dernier enjeu de la permaculture de la Culture ! Oui, c’est la considération globale de notre notion de l’éthique qu’il nous faut (re)penser ainsi. Je veux dire cette volonté de favoriser la biodiversité et la biomasse. Evidemment ces deux indicateurs ne sont pas à considérer tels quels sur la question de la Démocratie par exemple. Mais en considérant le nombre de nuances d’avis différents dans le vivre, le décider et l’agir ensemble, plus il y aura d’interactions positives entre les différents acteurs et plus il y aura d’acteurs impliqués (jusqu’à l’intégration des acteurs non représentés comme les animaux et les plantes, et non vivants comme les paysages et les générations futures, ou encore des entités vivantes mais non considérées comme des êtres à part entière comme les sols), et plus la Démocratie sera. Vous l’avez compris, la diversité d’acteurs correspond à la biodiversité, et la quantité d’acteurs impliqués correspond à la biomasse. C’est cette approche globale que j’appelle Holisme. Ok, ça vaut le coup que je m’attelle à ces explications dans un prochain article. Pour l’heure, fêtons cette reconnaissance de l’efficacité économique et écologique de la permaculture par l’INRA, tout en gardant l’esprit critique propre à Etika Mondo pour ne jamais tomber dans la suffisance. Non pas pour nourrir un esprit continuellement dubitatif, mais pour nous accorder le plaisir d’un espace de progression carrément immense ! Et rien de tel que de savoir qu’il y a un tel potentiel de progression : n’ayons plus aucune retenue pour nous lancer et avancer !
PETIT CALCUL RAPIDE
Si l’on prend pour base de données le document de l’INSEE « Revenus et productions agricoles en 2015 » http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=0&ref_id=T16F171, partons sur le cas du vin (production agricole française qui génère le plus de valeur en France en 2014), et extrayons deux chiffres : 12,5 milliards d’euros de production et de valeur ajoutée pour 753 000 hectares d’exploitation en 2014. Soit 16 600€ de production en moyenne par hectare. Soit 332K€ rapporté à 20 hectares. Il va de soit qu’au cas par cas il y a des différences importantes selon les territoires, et que ce calcul se veut très général. Les volumes et les qualités de production varient du tout au tout selon les différents contextes et techniques déployées, mais aussi selon les marchés et donc la valorisation des productions. Mais gardons ces grandes lignes pour nous donner une proto idée du rapport avec la permaculture. Ce rapport étant faussé dès le départ entre les quelques centaines de milliers d’hectares de vigne et les 1000m² de l’étude. Mais c’est une première analyse qui par ses conclusions positives invite à creuser plus loin et donc à développer la permaculture. Le rapport INRA « Etude : Maraîchage biologique permaculturel et performance économique » https://inra-dam-front-resources-cdn.brainsonic.com/ressources/afile/362783-745d0-resource-rapport-final-bec-hellouin.pdf évoque une valeur récoltée cumulée de 54 600€ par la ferme du Bec Hellouin en 2014 sur une surface cultivée de 1000m². Si nous faisons le rapport à l’hectare nous atteignons 546K€. Soit une rentabilité 33 fois supérieure à l’hectare de vigne ! Mazette !
Mais attention ! Ces 1000m² font partie d’un complexe de 20ha. Parmi ces 20ha ce sont 4500m² qui sont cultivés. Modèle auquel s’ajoute un flux important de matière organique provenant d’un centre équestre voisin. Bien que bien plus satisfaisant qu’un modèle classique, nous ne sommes pas encore sur un idéal permacole. A défaut d’être au moins sur un modèle déjà bien plus écologique pour ne pas dire écosystémique. Toutefois, si maintenant nous prenons le scénario le moins avantageux pour la ferme du Bec Hellouin considérant uniquement les 1000m² cultivés étudiés et en les intégrant aux 20ha restant. Et bien dans ce cas la comparaison devient favorable à la vigne. A savoir 332K€ pour 20ha vigne contre 54,6K€ pour la proto-permaculture. Soit une performance quasi sept fois moindre pour notre favori. Pour conclure de la manière la plus honnête possible, nous devons donc considérer qu’il manque encore des données pour clore cette comparaison économique des deux modèles. A savoir ajouter le volume d’affaire des autres 3500m² exploités sur la ferme du Bec Hellouin, soustraire les flux du centre équestre et ajouter au les bénéfices de la forêt (bois d’oeuvre, de chauffe, apport pour les terres cultivées : BRF ? Piquets ? Etc). Enfin, le rapport sur la biodiversité du site est naturellement sans appel. Tout comme, nous pouvons le supposer sans trop de risques, le serait l’analyse des aliments, de l’eau et des sols quant à leurs états sanitaires. Bon j’avoue une lecture plutôt rapide de l’étude de l’INRA (demain c’est la rentrée des classes pour les enfants…). J’espère ne pas avoir loupé des éléments prépondérants. Vous ne manquerez pas de m’en faire part si tel est le cas !
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